C'était en 1900
Tout n'allait pas comme sur des roulettes en cette bienheureuse époque dont quelques-uns d'entre nous sont les derniers représentants. Bien des choses laissaient alors à désirer, qui nous paraissent anodines auprès de ce que nous avons vudepuis. Prétendre que l'on nageait dans l'euphorie en 1900 serait une contre-vérité. Ce n'est qu'en comparaison avec lanôtre, avons nous dit, que l'époque 1900 peut paraître belle. Toute belle qu'elle fût, elle n'en avait pas moins ses laideurs. Sous la République Troisième du nom, proclamée à une voix de majorité, les scandales, les iniquités, les forfaitures et les concussions ne manquaient point. La société était loin d'être parfaite, les hommes étant eux-mêmes imparfaits.
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Compte Rendu
Joyeux, Maurice. « A propos d’un nouveau livre de Gérard de Lacaze-Duthiers ». Le Monde Libertaire no. 24, janvier 1957.
Sec, la moustache hérissée, le corps noué comme ces sarments de vigne dont la sève riche éclate une écorce rugueuse pourtant destinée à braver les frimas, Lacaze débouche de son dernier bouquin avec un dynamisme propre à soulever le cœur d’une jeunesse intellectuelle moderne qui a laissé les lambeaux de sa virilité aux grilles de l’église de Saint-Germain-des-Prés.
« C’était en 1900 », le nouveau livre de Lacaze-Duthiers évoque toute la jeunesse de ce « galopin » de quatre-vingt-quatre ans, jeunesse tumultueuse, passionnée, qui traverse sans se tacher, ces grands courants de l’histoire contemporaine que sont l’affaire Dreyfus, le Boulangisme, le tumulte que souleva la séparation de l’Église et de l’État, la naissance du mouvement syndical. « La belle époque ! », elle fut belle surtout pour ce jeune intellectuel qui se dressait face à la jeunesse maurassienne de la Faculté de droit et criait un « Vive Zola » particulièrement sacrilège. Mais le livre de Gérard de Lacaze-Duthiers possède un autre intérêt. Avec minutie il évoque la position personnelle des écrivains, des militants ouvriers, des anarchistes devant le problème de conscience que posait à chacun la condamnation inique de l’officier et la prise de position de certains d’entre eux ne manquera pas d’étonner le lecteur. Lacaze d’ailleurs nous annonce une suite à son ouvrage et l’on reste surpris devant la vitalité de cet écrivain qui refuse de se laisser entamer par le temps et qui s’apprête à ajouter à la liste copieuse des ouvrages qu’il a publiés une série qui retracera l’histoire de son époque à travers l’histoire de sa vie qui est en même temps l’histoire du mouvement anarchiste.
Lacaze-Duthiers a publié une centaine de volumes depuis les temps lointains où paraissait de lui « L’Idéal Humain de l’Art » (1896) et il est impossible de faire ici une analyse sérieuse de cette œuvre considérable. Il faut toutefois signaler la « Découverte de la vie » que Paul Adam considérait comme un ouvrage essentiel sur la philosophie de l’art, la « Philosophie de la Préhistoire », ouvrage en dix volumes paru chez Flammarion et aujourd’hui épuisé, le « Culte de l’Art ou l’Aristocratie [sic] », « Essais sur le Dolorisme » et enfin tout dernièrement « Visages de ce temps » et « La Torture à travers les Ages ». Enfin cet auteur fécond a collaboré à de multiples journaux et revues où il a publié des centaines d’articles sur tous les sujet littéraires, politiques, philosophiques.
Gérard de Lacaze-Duthiers vient de fêter au milieu de ses amis son 84e anniversaire et nous avons voulu que les nouveaux lecteurs de notre « Monde Libertaire » où il a naturellement collaboré, puissent mieux connaître cette figure familière qu’ils aperçoivent à toutes les manifestations où l’on défend l’intelligence et la liberté
Gérard de Lacaze-Duthiers qui fut le contemporain et l’ami de tous ceux qui « à la belle époque » se sont passionnés pour la justice, qui connut Romain Rolland, Laurent Tailhade, Mirbeau, Péguy et combien d’autres entend rester notre contemporain à nous, la génération d’après ! Pour cela il repousse les années, écrit des livres, préside des sociétés multiples telle celle des « Amis de Han Ryner », assiste aux conférences lorsqu’il ne les prononce pas lui-même, court Paris au galop à la recherche d’une documentation, d’un ami aux souvenirs précieux, d’une idée susceptible d’étayer une philosophie qu’il a joliment appelé « l’aristocratie » [sic]. Il est un exemple pour ceux à qui l’effort répugne, que la propagande lasse, que la lecture fatigue.
Lacaze nous annonce de nombreux ouvrages, attendons-les sans impatience avec la certitude que son chef-d’œuvre est sa longue vie et que pour ajouter quelques volumes à celle-ci notre amitié ne lui manquera pas.